Les emplois « éclatés » occupent une place grandissante dans l’horizon des modalités de travail. Cumul de jobs à temps partiel et changement fréquent d’employeur sont le quotidien de nombreux travailleurs en France. Faibles revenus, instabilité et absence de perspectives, quels profils font face à la précarité d’un emploi « éclaté » durable et quel rôle la formation peut-elle y jouer ? Ce sont les questions que se pose le CEREQ dans son BREF intitulé « Emploi éclaté, précarité et formation : sortir du cercle vicieux ».
Etat des lieux
Les 25 dernières années ont vu s’étendre, sur le marché de l’emploi, la place des CDD et autres contrats précaires. Constat corollaire, ce sont ces mêmes emplois, dits « éclatés », qui sont en première ligne en cas de crise. Souvent peu qualifiés, moins bien rémunérés, facteurs de flexibilité, ils seront parmi les premiers à perdre leur source de revenus lorsque les temps se gâtent. Un public à soutenir et renforcer donc, notamment au moyen des dispositifs de formation. Le CEREQ se base sur « Défis », un Dispositif d’Enquêtes sur les Formations et Itinéraires des salariés, pour analyser la situation et proposer des pistes de solution. Tour d’horizon des profils et secteurs qui composent cette tranche spécifique du monde salarial.
Des jeunes et des femmes
La publication du CEREQ s’intéresse aux salariés qui travaillent simultanément pour différents employeurs ou qui ont exercé plusieurs emplois au cours de la même année. Ce sont les jeunes qui sont représentés en majorité dans cette catégorie. Ils sont nombreux à financer leurs études grâce à un ou plusieurs jobs d’appoint, ou à démarrer leur carrière par des contrats à durée déterminée. Un cas de figure courant et temporaire qui pourrait donc ne pas leur porter préjudice, sauf lorsque que cela se prolonge et devient donc une situation professionnelle durablement précaire.
Défis met aussi en lumière la situation particulière des salariés seniors. S’ils sont la catégorie de population la moins concernée par l’emploi éclaté, ce sont eux qui y restent malheureusement le plus longtemps. Du côté de l’inégalité des genres, les femmes sont nettement sur-représentées. Les causes se cachent notamment du côté des emplois très « féminisés », comme les services aux particuliers, morcelés dans leur exécution et, à tort, peu valorisés économiquement.
Le coût de la flexibilité
Les secteurs, concernés par l’emploi éclaté, ont en commun des contraintes de flexibilité en termes d’horaires et de volume d’effectifs. La nature de leurs activités est à la source d’un éclatement dans la gestion de leur personnel d’où le recours à des CDD, des horaires variables, des temps partiels et des contrats saisonniers. On pense naturellement à la restauration, aux loisirs ou à l’hôtellerie dont l’activité fluctue au cours des saisons et qui échappent aux horaires de travail classiques. La santé et le service aux personnes sont également particulièrement concernés par les contrats à court-terme ou à temps partiel. Les structures professionnelles, bénéficiant de financements temporaires, comme les associations vont aussi se tourner vers des CDD.
D’un emploi éclaté à un emploi durablement précaire
A l’exception des étudiants ou d’autres profils optant volontairement pour ce mode de vie professionnelle, la majorité de ces travailleurs sont défavorisés par rapport aux salariés classiques. L’enquête Défis relève trois conséquences néfastes : un moindre temps de travail annuel, une rémunération plus faible et l’insécurité de l’emploi débouchant sur une absence de perspectives. Les individus, en situation d’emploi éclaté durablement précaire, expriment le souhait de trouver un travail plus sécurisé, de se tourner vers la fonction publique ou vers la création d’entreprise.
La formation, outil de lutte contre la précarité
La formation devrait être l’un des leviers d’action permettant de s’extraire du cercle vicieux de la précarité professionnelle. On en est loin malheureusement, comme le constate Défis. Manque d’information ou de sentiment de légitimité, les travailleurs en situation d’emploi éclaté, bien que tentés par la formation, en font peu la demande. Ceux qui en ont bénéficié s’orientent vers des thématiques d’accompagnement au changement, de recherche d’emploi ou de création d’entreprise. Signe que la formation est bien un rouage essentiel à la sécurisation du parcours d’emploi.
Les lois de 2009 et 2014, visant la sécurisation des parcours professionnels, ont permis de lier la formation, non plus au poste de travail, mais à l’individu. Force est de constater que ces évolutions sont encore insuffisantes pour que les atouts de la formation produisent leur plein effet auprès de ce public en particulier. En 2018, la loi avenir assurait la refonte du CPF – Compte personnel de Formation – comportant une attention spécifique aux profils peu qualifiés, un espoir donc pour une évolution positive. Pour en savoir plus, consultez la publication du CEREQ.